Je me sens vide. Et parfois à l’inverse, je traverse une tourmente intérieure où tout est débordements.
Les autres ont l’air d’être présents à ce qu’ils font, impliqués, comme s’ils pouvaient réellement saisir les instants qui se déroulent sous leurs yeux.
Pour moi, tout se floute, je me sens spectatrice, observatrice de moi-même et des autres. C’est un peu comme si le film de ma vie était lancé et qu’il avançait sans avoir obtenu réellement mon accord.
Je vois que je suis là et pourtant ce monde m’apparaît irréel, insaisissable.
Ma vie ne m’appartient pas. Je me sens étrangère à moi-même.
Parfois, cela me paraît être une force incroyable : les épreuves les plus terrifiantes sont gérables me concernant.
Et parfois, je ressens comme des trous intérieurs. Je suis incapable de mettre de l’ordre dans mes souvenirs, certains pans entiers de ma vie sont effacés.
Des souvenirs peuvent revenir de manière brutale, caustique.
Mon corps, lui, peut se remémorer : c’est brûlant, corrosif, incontrôlable. Et ma tête à l’inverse ne sait plus. Je crains d’exploser intérieurement tellement cette réalité est violente. Quand le couvercle saute, je ne maîtrise plus rien. J’ai peur de ce que je pourrais faire si je laisse ce flot se déverser.
Tout cela m’apparaît incompréhensible, encore plus pour mon entourage. On me parle de dépression mais je perçois qu’il s’agit bien d’autre chose.
Je sens que je dérange, je questionne, cela n’est pas palpable pour les autres.
Comment parler de cela et s’ouvrir de façon entière ? Comment faire pour dire sans prendre le risque d’être étrangère, infréquentable à leurs yeux ? Je voudrais qu’ils décèlent ce qui se cache derrière l’agressivité, la honte. Leur inquiétude ne fait que rajouter du poids à ma douleur.
Ils ne veulent pas l’entendre car ils savent qu’ils risquent l’échec ou l’impuissance.
Je suis là sans être là. J’essaie de créer des tentatives pour combler ces vides. Parfois, je me mets en danger juste pour vérifier que je suis bien vivante. Sans que cela n’aboutisse, je crois qu’il ne s’agit pas d’accomplir mais simplement de ressentir.
Ressentir que c’est pleinement moi qui le vis.
Je sais que les relations avec les autres sont comme sur un fil, parfois nous sommes en harmonie et brusquement nous nous trouvons en décalage.
Même si l’équilibre est parfois fragile, nous pouvons apprendre à renforcer ce fil, le rendre plus solide. Et progressivement je sentirai que je peux enfin me fier à ce monde intérieur, apprendre à faire confiance. Avoir confiance en moi et en les autres.
Sans être totalement comprise ou appréhendée. Sans être totalement secourue.
Juste que l’on prenne le temps de m’observer réellement. Être abordée avec autant de stabilité, de cohérence possible face à ce chaos intérieur.
Simplement, j’aimerais sentir que je fais partie de l’humanité.
Si vous vous reconnaissez dans ces lignes, il est possible que vous souffriez d’un état dissociatif ou trouble dissociatif. Vous pouvez consulter un professionnel de la santé mentale spécifiquement formé aux traumatismes et à la dissociation.