Je suis mal aimé.
Je suis mal aimé parce que les mots à mon égard ne sont que critiques : colérique, turbulent, provocateur, superficiel, violent, « c’est l’âge bête », borné, paresseux,…
Parmi les miens, je me sens incompris.
Je voudrais qu’ils me laissent essayer, pas qu’ils me disent quoi faire,
Je voudrais qu’ils me lâchent, pas qu’ils m’abandonnent,
Je voudrais qu’ils me fassent confiance, pas qu’ils renoncent.
Tout cela me heurte. Toute remarque me fait l’effet d’une bombe à l’intérieur de la poitrine. Je ne sais pas comment gérer tout cela. Je souffre mais je ne comprends pas vraiment ce qui se passe en moi, c’est le chaos dans ma tête et dans mon corps.
Est-ce qu’il y a des mots pour ça ? Est-ce que les mots sont réellement utiles ?
J’agis mon mal-être parce que je ne peux pas le penser.
Mes parents ? je les aime mais je ne sais plus comment leur dire. Je crois qu’eux non plus ne savent plus comment me le dire.
Ils me disent que je suis trop superficiel, qu’il faudrait m’accepter comme je suis mais je ne sais pas qui je suis. Alors j’ai besoin d’un groupe pour me définir, pour me différencier. Je cherche des styles avec une identité forte pour montrer qui je suis et qui je ne suis pas. Tout cela est maladroit, je vous l’accorde, mais tout cela m’apparaît indispensable.
Mes refus ne sont vus que comme des obstinations ou des tentatives pour prendre le dessus sur l’adulte. Pourtant, je sens comme un élan de vie en moi qui me dit de m’indigner, de refuser ce qui n’a aucun sens, de m’affirmer pour me définir.
Parfois, j’ai pu dire des mots blessants à certains de mes camarades. Les adultes pensent que je suis un être méchant et hostile alors que je ne voulais que l’approbation du groupe. Je ne voulais pas blesser, seulement être reconnu. J’essayais de faire rire mais je ne sais pas toujours me mettre à la place des autres.
Les adultes disent que je suis fainéant, mais ne savent pas que tout m’épuise, tout prend des proportions démesurées, que tant de choses me préoccupent. Ils ne ressentent pas que notre fatigue n’est pas comparable, que je n’ai pas un corps d’adulte.
Parfois, ils me rappellent les consignes, les règles en espérant que ça s’imprime « as-tu fait tes devoirs ? », « tu dois te coucher tôt ». Je sais tout cela mais je n’y trouve pas de sens et j’ai tellement de mal à me projeter sur du long terme.
On me dit que ça ira mieux plus tard mais maintenant, je souffre. On essaie de me rassurer mais cela ne fait que me renvoyer à mon incompétence.
Dans les repas de famille, on me parle encore comme si j’étais un enfant. J’essaie de prendre part aux discussions des adultes mais on me fait comprendre que je n’y ai pas ma place.
Je ne sais pas ce que je vaux. Les jeux vidéos m’aident à me sentir un héros, à me sentir important, utile. Je suis le super héros que je n’arrive pas à être dans la réalité.
Je veux qu’on m’écoute, qu’on me prenne au sérieux, qu’on accorde de l’importance à ce que je dis.
Pouvez-vous comprendre que je suis aussi un être merveilleux ? Capable de s’intéresser à une infinité de choses ? Capable de vous faire prendre conscience de vos habitudes insensées ? Capable de vous montrer que vous devez encore vous indigner et ne pas baisser les bras ? Capable de témoigner de l’importance de la spontanéité ? Et que nous pouvons aussi vivre les choses avec intensité ?
Je suis une part de vous que vous vous acharnez à étouffer. Cette part qui vous a tant fait souffrir et que vous ne voulez pas revivre à travers moi.
Mais moi, ado, je suis aussi l’élan de vie, de rébellion, de folie dont le monde a tant besoin.